- Nous sommes les enfants damnés de Caïn, maudit pour s'être rendu coupable du premier fratricide de l'Histoire. Mais Dieu nous a aussi protégé, décrétant que quiconque ferait couler le sang de son cher Caïn serait maudit pour sept générations. C'est pour cela que vos semblables, au lieu de nous tuer...
- Vous ont condamnés à l'exil... acheva-t-elle.
Une lueur d'amertume brilla dans le regard de son interlocuteur.
- Je suis ravi de parler à une étrangère qui soit si renseignée.
- Si nous allons au fond des choses, je suis effectivement une étrangère. Mais j'ai appris l'Histoire et me suis cultivée là où vous êtes nés. Il vous serait bon de ne pas l'oublier.
Le visage du prince s'éclaira, et un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres.
- Je me garderai bien de l'oublier, Votre Altesse, répondit-il d'un ton étrangement menaçant. Puis il s'inclina un bref instant, se leva et se détourna d'elle, avançant à pas mesurés vers la lourde porte de chêne, et lança :
- Faîtes attention, Très Chère Ouréa. Pour vous aussi, il serait fâcheux d'oublier certains... détails.
Lorsqu'il atteint la porte, il se retourna vers le sofa d'où la Déesse n'avait pas bougé. Elle tenait entre ses mains le verre de vin qu'il lui avait servi au début de leur entretien. Avec désinvolture, elle le porta à ses lèvres et en but une gorgée, sans le quitter des yeux. Il sortit en claquant la porte, elle réprima un frisson.