Nous étions en été.
Nous venions d'arriver dans une forêt où se dressait une maison en pierre dans laquelle nous devions passer quelques jours en famille. Quelques personnes étaient déjà là. Je savais qui ils étaient, mais je ne les reconnaissais pas. Ils étaient bien trop jeunes… Ma grand-mère paraissait aussi jeune que ma mère !
Mais je n’eu pas le temps de m’attarder sur leur visage, car à peine descendus de la voiture qui nous avait amené ici, nous étions partis sur un de ces chemins qui sillonnent les campagnes du sud de la France : recouvert d’une fine poussière orangée et jonché de pierres blanches.
Nous arrivâmes devant une grille qui ouvrait sur une petite cour. Là étaient installés des tables et des chaises. Beaucoup de gens étaient déjà là.
Des gens que je connaissais mais dont le nom m’échappait.
J’avais presque vingt ans, mais parmi les enfants qui couraient autour du barbecue, ou se cachaient sous les tables, je reconnaissais certains de mes amis d’enfance. Elle, c’était une amie de la maternelle. Lui, le fils du boulanger. Ils auraient du avoir mon âge…
Nous étions vêtus comme de pieux et bons provinciaux : robes longues, claires et légères pour les demoiselles, pantacourts à bretelles et chemisettes pour les garçons.
La surprise passée, l’ennui pointa le bout de son nez. Profitant de ce que tous étaient absorbés dans des conversations dont l’intérêt me paraissait pour le moins obscur, je m’éclipsai et reprenais le chemin de la maison dans les bois.
En y arrivant, je retrouvai ma grand-mère –comme il était étrange de l’appeler ainsi alors qu’elle ne paraissait pas avoir 30 ans de plus que moi ! Mais elle n’était pas seule.
Face à elle se tenait une jeune fille étrange. Ses longs cheveux noirs descendaient jusqu’à sa taille, son teint était blême et ses yeux noirs. Malgré le grand soleil qui brillait dehors à travers le plafond de verdure, elle était vêtue d’une longue robe noire, toute de satin et de dentelle.
Ma grand-mère s’approcha et se pencha sur elle. La jeune inconnue eut un sursaut.
De là où j’étais, je ne pu voir ce qu’il se passait. Lorsque ma grand-mère s’écarta de la jeune fille, elle lui murmura un ordre étrange :
« Ne révèle pas notre secret… ».
Les yeux de la jeune fille se révulsèrent et elle dit d’une voix d’outre-tombe :
« Je serai absente, mais resterai la même. »
Ma grand-mère se retourna alors vers moi, et ce que je vis me fit sursauter. Son visage, autrefois doux et souriant, avait disparu, et ses yeux étaient devenus durs. Entre temps, la jeune fille avait baissé les yeux. Ils étaient maintenant étrangement bleus, froids, et perçants.
Devant moi se tenaient en réalité deux inconnues.
Elles s’avancèrent sur moi, et je tombai dans l’inconscience.
Lorsque je revins à moi, elles n’étaient plus là. J’étais lovée dans un fauteuil. Un poste de télévision était allumé. Au centre de la pièce, deux sofas se faisaient face. Sur chaque, était assis un inconnu : un homme et un femme.
L’homme tourna son regard vers moi, et vit que j’étais réveillée. Je me levai et m’avançai vers eux, détaillant ces nouveaux venus.
Lui était tout de noir vêtu, le teint pâle… Son visage anguleux était encadré par des cheveux mi-longs, noirs et gras. Ses petits yeux noirs brillaient d’un air mauvais. Il ne s’attarda pas sur moi. La femme, si tenté qu’elle fut humaine, avait les cheveux vert argent, coupés court.
Son visage était d’une beauté cruelle, ses yeux verts étaient dénués d’expression mais leur éclat était effrayant. Elle était fine, et paraissait grande.
Je m’assis sur le même sofa qu’elle, me retournant vers le post télé afin qu’ils ne m’examinent plus, et qu’ils ne puissent pas deviner le cours de mes pensées.
Une étrange impression et un vague mouvement à ma gauche me poussèrent à me retourner.
L’étrange femme s’était approchée de moi et paraissait humer ma nuque avec intérêt. Je me protégeai de mes bras et tournai un regard terrifié vers l’homme assis en face. Il claqua la langue, gronda doucement et m’intima le silence en posant son index sur ses lèvres.
Leur attention se relâcha lorsqu’une de mes tantes passa la porte, pestant contre celui qui avait laissé le poste de télévision allumé. Je m’élançai alors vers la porte, hurlant à ma tante de sortir.
Lorsque je fus dehors, je m’arrêtai, tremblante, et levai les yeux vers le ciel.
Je fus prise d’un vertige et tout se mit à tourner autour de moi…
Je me sentis tomber lentement.
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, je n’étais pas sur le sol du bois, mais bien dans mes draps.
Je poussai un profond soupir, persuadée que tout ça n’avait été qu’un étrange cauchemar.
C’est alors que je sentis quelque chose dans mon cou.
Prise de panique, je passai une main tremblante dans mes cheveux.
Une brindille tomba sur le drap.